En binôme

La danse des nuages autour de ces poteaux de télécommunication a frappé mes yeux, car ils forment une brume de velours gris autour des sujets de la photo.

Comme un couple d'amis, ces poteaux semblent se tenir l'un à côté de l'autre, presque en se tenant la main.

L'idée

Au sommet d'une randonnée près de Peille en France, je suis tombé sur ces tours érigées qui repoussaient les limites de la montagne un peu plus vers le ciel, comme si essayer d'atteindre le ciel était leur seul but. Bien que la randonnée ait été agréable tout au long du chemin, au sommet, j'ai réalisé avec tristesse que les nuages avaient décidé que je ne pourrais pas profiter de la vue et donc prendre une photo de l'environnement. J'ai donc commencé à regarder autour de moi, pour voir ce que je pouvais photographier. Les nuages sont devenus plus proéminents, et ma vue s'est donc rétrécie. Comme je me trouvais seul, j'ai ressenti la solitude de l'endroit et ma fragilité est devenue encore plus évidente. Mes yeux se sont tournés vers des sujets plus proches de moi. Ma bénédiction est venue lorsque je suis tombé sur ce groupe de tours de télécommunication. J'ai essayé de prendre plusieurs angles de vue, mais c'est celui-ci qui m'a le plus interpellé.

Le fait que les draps gris masquent certaines des tours, vous empêchant de vraiment voir jusqu'où elles peuvent s'élever, était très intéressant pour moi. L'idée que le reste du sujet soit caché, qu'il faille l'imaginer, ou qu'il soit volontairement caché au spectateur, est un principe de composition attrayant selon moi, car il introduit une relation, ou plutôt une discussion, entre le sujet et le public. Le sujet a une raison de se cacher, et le public est invité à jeter un coup d'œil et à comprendre. Dans ce cas, c'est la nature qui a caché les sujets, ce qui raconte une autre histoire et contribue à donner un peu de mystère et de curiosité à la composition.

J'ai parlé de la solitude, et lorsque je me suis agenouillé pour prendre cet angle, la seule chose que j'avais à l'esprit était d'exprimer, à travers ma photo, le sentiment de solitude que j'ai ressenti lorsque j'étais là-haut, tout seul. Bien qu'ici, ces objets inanimés très peu émotionnels ne soient en réalité pas si seuls que cela, ils sont là l'un pour l'autre. Le premier plan crée une distance entre moi, vous et le reste de l'image.

La technique

En matière de composition, il y a quelques notions subtiles en photographie.

Les deux premières, assez fondamentales mais très importantes, sont la règle des 1/3, et les lignes qui guident le spectateur.

Ici, on voit bien comment la règle des 1/3 est respectée grâce à l'illustration ci-dessous :

• Les deux lignes vertes créées par mes sujets dessinent des lignes verticales coupant l'image en 3 parties presque égales ;

• Le premier plan, la ligne horizontale violette la plus proche du bas, passe par la marque du tiers, laissant de l'espace aux sujets sur les deux tiers du reste de la photo.

Si je me concentre sur les lignes, remarquez la nature inflexible des poteaux. Dans ce cas, pourquoi ai-je placé deux lignes au milieu qui traversent les poteaux et brisent leur caractère statique et érigé ? Elles ne sont même pas horizontales, et respectent à peine la règle des 1/3 (malgré ce que j'ai dit plus haut). Tout simplement parce que : qu'est-ce qu'une photo sans ses imperfections ? J'ai cherché une histoire à raconter avec mon environnement, et la corde métallique tressée qui tenait le poteau près de moi hors du cadre a aidé à couper l'image que j'avais devant moi. Elle a permis de "couper" les poteaux et leur immaculation. Elle a donné à la composition un facteur intéressant qui, autrement, aurait été ennuyeux. De plus, cela accentue l'aspect incliné de la ligne de premier plan, donnant plus de poids à l'étrangeté de la composition.

Enfin, j'ai utilisé le premier plan et l'arrière-plan pour rendre cette photo plus attrayante en les séparant par la saturation. J'ai désaturé l'arrière-plan et saturé le premier plan : je fais ressortir les couleurs du premier plan tout en rendant les couleurs de l'arrière-plan plus ternes, ce qui accentue la nature "cachée" de ces poteaux. Souvent utilisé pour mettre en avant un sujet, il a permis dans ce cas d'accentuer la puissance de la composition. Si l'on regarde cette image de loin, ou en plissant les yeux, on ne distingue rien d'autre que l'arrière-plan et le premier plan, ce qui simplifie la composition.

Outils

Appareil photo : Canon 1300D

Objectif : RMC Tokina 35-135 mm